Marrant. C'est en quittant Enid après ce cinéma (après une pause chez elle, vous devinez - ou pas - pourquoi *) que j'ai retrouvé la compile des Thugs dans ma boîte à lettres, soit exactement dix ans jour pour jour après les avoir vus en concert, en première partie des Breeders (...do you think of me / like i dream of you...), lors d'un concert bon enfant où Josephine Wiggs avait mis la main aux fesses à Kim (...ou Kelley je ne sais plus) Deal, dans cette atroce salle qu'est le Zénith. Dix ans de surplace pour moi, dix années que ne ressent à aucun moment la musique des Thugs, point de croisement entre déferlement de furie sonique et mélancolie insondable, quelque chose comme le seul groupe identifiable en ce pays, sur la carte mondiale du rock. Encore que rock n'est plus trop parlant - trop vague. Hardcore, dirons-nous.

L'intégrité même (même si on n'a, avouons-le, pas suivi toute l'affaire jusqu'au bout) ; carrière exemplaire, discographie exemplaire, sans volonté de plaire aucune, de la part de quatre angevins qui auront élevé le non-look absolu au rang des beaux-arts, et érigé un mur du son sans pareil, à l'image de leurs pochettes : un gros grain sale, derrière lequel on devine quelque chose qui bouge - ou qui grouille. Je me passe tous les vieux tubes, birthday, i love you so, biking... (en tête leurs vidéos toutes aussi floues que Noir Désir leur avait, au passage, complètement pompées) avec le même vertige qu'avant, et je me souviens pourquoi j'avais arrêté le walkman dans le temps : je commençais à devenir sourd. Mais je comprends mieux maintenant...c'est parce qu'il y avait la cassette d'As happy as possible en boucle dedans. Les textes sont tous "en anglais", mais ce n'est pas vraiment du vrai anglais à proprement parler. Ce qui n'empêche pas que, du reste, on comprend absolument tout ce qu'ils veulent nous dire - pas un mince exploit en soi. Au bout des trente-deux titres, un peu frustré de ne pas en entendre encore plus, il en manque quand même pas mal. D'où la joie en lisant les notes de pochette de savoir que l'essentiel de leur discographie va être réédité sous peu, on va pouvoir se racheter Still hungry, still angry et I.A.B.F. (pour : international anti-boredom front) et les faire écouter, éberlués qu'ils seront, aux fans d'Eiffel...

*pour faire ce que je n'ai pas pu faire pendant le film