J'ai emmené Ian Curtis dans mon sac ce matin, pour me repasser Ceremony au bureau. C'est cette version en concert qu'on retrouve sur la compilation mi-raretés mi-live Still, la version où, au début, on n'entend pas vraiment la voix, mais où l'on se rend compte au bout d'un moment qu'il est quand même en train de chanter, derrière au loin... Alors, on ne sait pas trop si c'est le type du son qui n'a pas bien réglé le volume du micro, ou si lui s'est éloigné de son pied et ne fait pas attention à ce que les autres l'entendent aussi, absorbé par la musique, occupé à danser en se contorsionnant deux mètres plus loin, tout en criant dans le vide. Je le vois les yeux fermés, le poing serré, son corps recroquevillé se nourrissant d'électricité.
oh i'll break them all
no mercy shown
heaven knows it's got to be this time...
Quand la voix, jusque-là trop longtemps contenue, rugit brusquement pour de bon hors des enceintes, c'est pour s'éteindre pratiquement aussitôt, dans ce timbre à la fois majestueux et las qu'il avait vers la fin, désincarné. Maintenant qu'on est à même de l'entendre, il se contente d'envelopper ce que sont en train de jouer les trois autres de quelques litanies murmurées... Il n'a plus rien à prouver, il a déjà tout donné mais sa voix, même absente, continue de hanter le morceau. Cette musique qui semble exister d'elle-même avance fièrement, cette musique expulse la vie. On se demande ce qu'il pense à ce moment-là, à quelques semaines de sa mort : a-t-il déjà l'intention de faire le geste, décide-t-il de renoncer maintenant qu'il se sait immortel, en a-t-il simplement plus que marre ? Peut-être ne pense-t-il à rien, et laisse-t-il le vide le remplir peu à peu, jusqu'à ce qu'il se résolve à rejoindre le bon côté de la barrière.
Je me demande si je suis triste parce que je mets en situation de l'être, de façon à pouvoir me plaindre pour qu'on me rassure après, ou parce que je ne peux pas faire autrement, ou bien parce que j'écoute des trucs tristes sans arrêt, et que je me roule dedans à la moindre occasion. ...où est passé ce putain d'appétit ?
Commentaires :
Re:
des fois on en oublierait presque qu'il y a Joy, tellement on a de cds, et puis on les remet un jour sur la platine et talala, c'est comme la première fois !
oui je l'ai quelque part chez moi la bio écrite par Deborah Curtis (elle doit être dans les toilettes avec la bio de Dee-Dee Ramone), j'aime bien la relire de temps en temps, il y a un côté très terre à terre, qui ramène les choses du groupe à une banalité assez sidérante. c'était vraiment un type ordinaire, pas flamboyant du tout dans la vie... j'aime bien le passage où ça raconte une émeute dans un concert et où Ian est presque en larmes dans un coin, et y'a Tony Wilson(?) qui vient lui dire "regarde c'est trop cool, c'est exactement comme avec ce magnifique foutoir qu'il avait eu au concert machin de Lou Reed" et puis t'as Ian qui relève la tête d'un coup en souriant "ouais, Lou Reed..." ;)
immature
Re: Re:
et j'ai été contente de voir dans tes liens, sarah records!
matthieu
Sinon as tu lu la bio au camion blanc ? elle a été pas mal décriée mais elle n'est pas si nulle que ça, en particulier pour les rapports entre chaque musicien, dans le couple etc...