...où on se faisait un peu chier au Batofar, adossés contre le radiateur froid en sirotant des Dark Dog. Souvent, y'avait un chauve à lunettes avec un petit T-shirt serré et un pantalon baggy, sur la scène en train de tourner des boutons derrière un laptop ; et encore un autre au milieu de la salle - tout seul à danser sur les bruits que produisait le premier (il dansait pas mal, mais toujours très "collé au sol", les genoux ne remontant pas tellement, ni les bras non plus d'ailleurs - c'est un genre).

Avec la barmaid, ça ne faisait pas grand-monde en tout. On était presque collé, en dépit de la sono tu me racontais ta vie, tes histoires, tes voyages, les vacances, les squatts, la vie avec trois bouts de ficelle, tout ça. J'étais content que tu me fasses partager. Les gens rentraient au fur et à mesure, nous voyaient dans un coin par terre, enveloppés dans les basses qui résonnaient, nous jetaient un coup d'oeil (ou pas) puis se mélaient au décor, à leur tour.

Après la "prestation" du chauve au laptop, des fois y'avait un japonais sadique qui venait prendre la relève, nous arrosant de bruits stridents et anormaux à la limite du supportable, sur fond de projection de films expérimentaux, voire de vingt secondes de film - toujours les mêmes - qui repassaient en boucle. A ce moment-là, on décidait de se replier du radiateur vers l'espèce de coin pas loin des toilettes, celui avec les bancs dont on savait pas trop s'il fallait s'affaler dessus, ou bien se pencher pour mieux écouter ce qui se passait dehors - des fois que le japonais ait fini de nous casser les oreilles. Non, plutôt de nous empêcher de garder un minimum de suite dans les idées dans ce qu'on se racontait... Enfin, c'était surtout toi qui parlais, mais j'aime tellement t'écouter, que j'achèterais même le cd.

En général quand on retournait dans la salle, on avait perdu la place à côté du radiateur - de toute façon ça chauffait pas alors, mais c'était pas encore assez plein pour qu'on puisse pas s'asseoir dans un coin. De nouveau par terre, on voyait défiler des jambes de pétasses qui allaient à gauche à droite, enfin des vraies quoi, celles qui assument/revendiquent carrément le statut de pétasse (alors c'est pas très méchant quand je dis "pétasses")... Certaines faisaient aussi DJ plus tard dans la soirée, et passaient même des trucs qu'on aimait bien, comme le morceau de The Streets qui venait de sortir, et des trucs de rock garage sixties, du genre de ceux que tout le monde dit avoir écouté toute sa vie maintenant, depuis deux-trois ans. Moi je n'ai jamais écouté les Stooges de ma vie, ni MC5 d'ailleurs... Je me doute que ça doit être bien, mais bon.

Vers minuit, au moment où ça commençait seulement à s'animer là-dedans, on était nous obligés de repartir dans notre banlieue. Ca t'arrivait de piquer un cendrier parce que tu les trouvais zolis - mais ils sont très fragiles. L'air frais. Tu marchais très vite presque devant moi, en sautillant un peu, et tu m'empêchais tout de même de me faire écraser en traversant la route. Une fois sur le quai, on remontait pour être bien sûr de se mettre devant, là où il n'y a pas de chauffeur. Quand la rame partait, on regardait devant en silence, chacun de notre côté appuyés sur le dossier, et, ben ça défilait dans tous les sens quoi. On était plutôt pas mécontent.

[toujours ce vent... (combien de jours avant que je ne bouche l'aérateur?)]